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Tracas de l’esprit
Dépression :
Voilà que tu pars
Pour te créer une autre fable
Une fable pour te sortir de ce monde
Ce monde où tout est bleu
Mais ces histoires ne peuvent pas te sauver
Tu es pris avec moi
Jusqu’à ta mort
Et je vais te suivre même dans l’au-delà
Tu as beau sauter, sauter, sauter
Pour t’enfuir en l’air
Mais tu finis toujours par retomber
Toujours plus bas, bas, bas
Partout où tu vas, je vais être là
Chez ta famille? J’y ai été adopté
Chez tes amis? Je t’ai déjà remplacé
Chez ton amour? Je suis son amant
À l’école? Je suis le directeur
Au travail? Je suis ton patron
Et chez toi? Je suis dans ton lit
Dans ton cœur
Dans ta tête
Dans tes pensées
Je suis une arme
Mes cartouches s’appellent tristesse, souffrance, affliction
Et sois certain
Que mon chargeur est infini
Tout va bien :
Tout va bien, je ne fais que soupirer
Lorsque je dois parler, je n’exprime qu’un soupir
Lorsque je dois créer, je ne façonne qu’un soupir
Lorsque je dois respirer, je n’expire qu’un soupir
Je ne fais que soupirer
Tout va bien, je ne fais que pleurer
Lorsque je suis seul, je ne peux que pleurer
Lorsque je suis avec toi, je ne veux que pleurer
Je ne fais que pleurer
Tout va bien, je ne fais que saigner
Lorsque je dois vivre, je n’arrive qu’à saigner
Je ne fais que saigner
Tout va bien, je ne fais que mourir
Je ne fais que mourir
Marché de la peur :
Cette avenue est remplie à ras bord
De kiosques où chacun vend ses remords
En regardant en l’air vous n’auriez pas tort
De mentionner que les cieux sont morts
La lune s’est enfuie, les étoiles se sont cachées
Les nuages donnent l’impression d’avoir été mâchés
Et puis, sans aucune réflexion, recrachés
Sur une toile rabâchée de pétrole séché
Ce qui se trouve sous vos pieds, tout comme ce qui est au-dessus de vos têtes
Vous trouble de plus en plus c’est un vrai casse-tête
De boue, de sang et de déchets en tête-à-tête
Qui occupe et emprisonne vos pensées, un vrai serre-tête
Les marchands sont tout aussi repoussants
Que les produits à glacer le sang
Qui couvrent leurs étals oppressants
Et vous frissonnez de penser « il y en a plus de deux-cents »
Ce que vous voyez dans leurs yeux est tout sauf banal
Leurs regards lancent des lames faites du plus froid et dur métal
Ces armes invisibles mais pourtant létales
Projettent une aura suintante de mal
Cette avenue est sans fin
La mort est son seul parfum
Vous finirez défunts
Si vous n’en sortez pas enfin
Vous essayez de partir mais réalisez qu’il est trop tard
Car il y a de plus en plus de brouillard
Et chacun de ces bâtards
Fera tout pour vous emprisonner dans ce cauchemar
Métropole:
Il doit y avoir une façon de sortir d’ici
De cette cité de la solitude
Habitée que par le désespoir
Une bête est enchaînée en son centre
Une bête satyrique, anémique, cadavérique
La personnalisation même de l’agonie
Une bête purulente, violente, annihilante
L’image même de la mort
Elle est la tumeur qui ronge le cœur de cette ville
Cette cité débordait de joie
Maintenant n’en découle que la peur
Décoction chimérique
Cette bête n’est pas jeune
Elle est des plus archaïques
Elle est là depuis le début, dès l’avènement, la naissance de cette cité
Cachée au plus profond de ses entrailles
Grandissante avec chaque jour qui passe
Pour l’engloutir en entier
Nous pouvons tous être touchés par la montée de cette bête
Car elle se trouve en chacun de nous
Nous attaquant sans répit
Elle se nourrit de notre bonheur
Elle se réjouit de notre malheur
Elle voit ce que l’on voit
Elle pense ce que l’on pense
Elle fait ce que l’on fait
Car elle est nous
Asile:
Les pensées perverses de ton esprit
Qui t’amènent à des centaines de lieux d’ici
Où le temps laisse tomber tous ces pétales sur toi
Et t’a laissé souffrir
Alors que ta chair tourne au noir
Tu apprendras à vivre avec tous les déments
Dans cet endroit des plus déjantés
Que l’on ne peut quitter sous aucun prétexte
Et tu te sens béni lorsque tu reçois la visite
De tes seules amies, les araignées qui sortent du plafond
Elles te visitent à tous les soirs et chantent pour toi
« Aller, reste, on a vraiment du bon temps ensemble
Si tu crois pouvoir sortir d’ici
Tu feras mieux de t’accrocher
Aller, reste, on a vraiment du bon temps ensemble »
À tous les soirs elles chantent
À tous les soirs tu décides de rester
Quand tu commences à douter qu’elles vont venir
Leurs ombres apparaissent sur les murs de ta cellule
Pour te rappeler quelle est ta place
Te souviens-tu de l’homme qui est venu
Du plus profond de ta mémoire
D’une chanson si douce et ancienne
Pour essayer de te délivrer de ce cachot
Et il doit affronter les araignées, geôlières de ton esprit
Cet affrontement des plus cruels
Ne laisse qu’un seul vainqueur
Et c’est grâce à leur nombre
Que les arachnides sortiront victorieuses
Et te garderont avec elles
Ta captivité sera donc éternelle
Tu commences maintenant à t’endormir
En te réveillant tu auras tout oublié
Mais venu le soir, cette bataille reprendra
Et en attendant ce moment les araignées se préparent
Peine cardinale :
Au nord de la ville
On ne trouve aucune âme
Les maisons sont inhabitées
Les magasins sont fermés
Les écoles sont vides
On ne trouve aucune voiture dans les rues
Le ciel est gris
Il laisse tomber une neige cendreuse
Le soleil commence à couler
Il n’y a rien ici, rien en mouvement, rien de vivant
Comme si le temps s’était arrêté
Au sud les mères sont parties
Elles attendent leurs enfants
Partis se battre pour une terre inconnue
Elles remplissent les rues de leurs larmes
Et la chaleur de leurs sanglots
Est la seule chose qui redonne
De la vitalité à cette ville
Personne ne parle
On n’entend que l’angoisse
La peine et la douleur
La douleur de familles déchirées
À l’est, la bataille a lieu
Les cieux sont de feu, la terre est remplie de vie
De la vie qui quitte chacun
Le sang qui coule, un engrais des plus efficaces
Ramènera de la vie dans ces lieux
À la fin de cette guerre
Les pères tombent
Les frères tombent
Les fils tombent
Et ceux qui sont encore enfants partiront
Dès qu’ils grandiront
À l’ouest, une terre apparaît
Une terre nouvelle, une terre de vie, une terre d’espoir
Mais une terre de violence, une terre de sang, une terre de mort
Lorsque l’Est regagnera vie
Ce sera aux dépens de l’Ouest
Une vie pour une vie
Et les enfants partiront de nouveau
Et les mères pleureront de nouveau
Et les villes se videront de nouveau
Alors que le soleil fait son retour
Et que tout recommence
Vitesse de la vie :
Le jeune interprète a raté son coup
Il a tout oublié
Aucun mot ne sort de sa bouche
Il soupire comme l’enfant merveilleux
Lorsqu’il n’a pas ce qu’il veut
Mais ne pleure pas, car tout va bien
Comme dans les films qu’on a vus
Et lorsqu’on arrive à la fin
On peut s’attendre à un happy ending
Un dénouement où tous les fils se lient
Pour rester uni, un seul morceau
Jusqu’à la fin
À la vitesse de la vie
Vice :
Rose et Violette sont devant leur fenêtre ouverte
Regardant en bas dans la rue
Où tous tes problèmes se trouvent
Elles te regardent, souriant à ta consternation
Prenant du plaisir à ton déplaisir
Elles éclatent de rire
Lorsqu’elles te voient glisser et atterrir
Sur le sol poisseux
Ta bouche se remplit d’immondices
Ton nez se casse et se vide
Une mélodie de sang, de morve, de croûtes
Qui s’assemblent en une substance
Rouge, jaune, verte
Épaisse, gluante, croustillante
Une symphonie de couleurs et de textures
Qui touche tous les sens
En voyant ton trauma
Les femmes partent
Les entendant glousser à tes dépens
Tu restes étendu là
Tes yeux se remplissant de larmes et
Tu regardes en l’air
Même la lune s’amuse en te voyant
Son croissant formant un rictus malveillant
Une grimace troublante et omniprésente
Tu te relèves, repars vers ta maison
Le sourire lunaire te suivant
Jusqu’à ta ruelle
Et tu te couches sous ton toit de carton
Tu te recouvres avec ton papier journal
Et réalise qu’une longue nuit de souffrance t’attend
Et que cette nuit se répéteras
Encore et encore et encore
Rose et Violette continueront de se moquer
Jusqu’à ce qu’elles soient flétries
Et qu’elles ne peuvent te présenter
Qu’un sourire vide
Au loin dans la nuit, tu entends les pleurs
Et les cris qui t’accompagnent à tous les soirs
Une berceuse douloureuse et omniprésente
Et tu penses « Je ne suis pas le seul à souffrir »
Versa :
Elles se trouvent dans leur chambre commune
Devant leur fenêtre ouverte et elles hument
L’air malsain et maladif de la ville
Elles regardent dans la rue
Inspectent les trottoirs, les magasins
À la recherche d’une chose
Pour distraire leurs esprits avant qu’elles ne retournent au travail
Voitures, touristes, passants
Enfants, parents, aînés
Animaux, déchets, vitres
Elles ne voient rien de nouveau
Rien qui ne sortent de l’ordinaire
Rien qui pourrait leurs apporter la moindre joie
La lune est haute, souriante sur la ville
Il reste peu de temps, l’enfer du boulot approche rapidement
Rose s’exclame et pointe
Un homme a fait son apparition
Un homme mince de malnutrition
Un homme vêtu de lambeau
Dos courbé, tête baissée, pieds traînants
Elles ont enfin trouvé plus lamentable et abattu qu’elles
Elles le regardent et le fixent en souriant
Distrait, il tombe
Son nez se brise et se vide de ses fluides
Un flot de jus multicolore
Elles s’écartent de la fenêtre éclatant de rire
Et partent en gloussant
Elles ont réussi à trouver quelque chose pour les distraire
Avant le retour du calvaire
Toc, toc, toc
Il cogne à la porte et entre
Les rires s’arrêtent
Les sourires s’enfuient
Les tremblements commencent
Il les prend et les sépare
Chacune dans une chambre
Rose à la gauche
Violette à la droite
Leurs regards se croisent
Pleins de peur, de tristesse, de haine et de dégoût
Mais aussi de compréhension
L’une pour l’autre car elles savent ce qui les attend
Une autre nuit de « travail » remplie
De pleurs et de douleurs
Violette repense à l’homme de la rue
Regrettant le bonheur qu’elle a puisé de son malheur
Elle se dit « nous ne sommes pas les seules à souffrir »
Machine Salvatrice:
Je me trouve au pied de la Machine Salvatrice
Sa surface éblouissante reflète tout
La lumière, le ciel, les bâtiments
Et moi
Je me trouve en face de moi
Un double dans la surface
Un double plus puissant et invincible
Mais un double abject et corrompu
Cette machine peut tout sauver
Où tout détruire
Et seul un monstre peut l’activer
Je regarde mon reflet
Fixe mes yeux et cherche
Au plus profond de moi-même
Pour trouver si je suis ce monstre
Durant des heures je regarde mon double
Et je réalise que nous avons échangé de place
Désormais, je suis pris dans la surface reluisante de cette machine
Alors qu’il est dehors
Me souriant
Je le regarde, une réplique parfaite
Et je réalise que depuis le début
Le monstre était moi
Que ce double n’est que la manifestation
De mes plus perverses intentions
Et je réalise alors que le monde est à moi
À moi et à la Machine Salvatrice
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