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Je m’appelle Zackarii Faelistae Thorodam, mais vous pouvez m’appeler Zack Félista tout simplement. Je fais partie de la race des tigrélions. Jamais entendu parler vous allez dire! Mais nous existons réellement, ce n’est pas bien compliqué, nous sommes un mélange entre un elfe, un tigre et un lion. Ma physionomie étrange m’a souvent apporté bien des problèmes. Je dirais que je ressemble à un humain, sans trop y ressembler. Je suis assez grand et j’ai les muscles très bien développés, un peu comme un animal. D’ailleurs, ce côté animal rend ma physionomie très étrange, je ne peux pas me tenir facilement debout. Je suis fait comme un lion, mon bas de dos est donc très étroit et peu musclé par rapport au haut de mon corps. Mais bon, grâce à l’invention de mon père adoptif, je peux marcher comme n’importe qui. Je vais vous raconter mon histoire, comme ça vous pourrez mieux comprendre la vie d’un tigrélion.
Mon père biologique s’appelle Yngvarr Thorodam, c’est un ancien seigneur nordique craint pour sa violence. Il n’est pas vraiment mon père biologique, on s’est retrouvé dans la même famille, car sa femme m’avait trouvé et ne pouvant avoir d’enfants, elle voulait me garder. La pauvre est morte après que j’eus atteint ma deuxième année. Ce fut alors le début de l’enfer pour moi. Mon père était un fort amateur de l’hydromel et il en buvait beaucoup. Il me prenait pour cible dès qu’il en avait l’occasion. Pour lui, j’étais «une créature du diable». Bref, mon enfance dans les terres nordiques ne fut pas des plus heureuses. Je n’étais encore qu’un enfant lorsque je me suis enfui de ces terres qui marquaient la disgrâce de mon père. Je courus longtemps et je marchais longtemps. La seule chose qui me protégeait était mon vieux pantalon tout déchiré et le duvet qui couvre la majorité de mon corps.
C’est très affaibli et exténué que j’ai atteint une maison seule dans la forêt. Son propriétaire, un vieil elfe grincheux, ne prit pas de temps avant de me trouver. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, il me sauva et me recueillit chez lui. J’étais très amaigri et ce vieil elfe, du nom de Jean, semblait savoir comment s’y prendre avec les gens affamé. Il me donna à manger, très peu pour ne pas stresser mon estomac qui n’avait rien eu d’autre que de la neige pour s’hydrater et se nourrir. C’était encore l’hiver lorsque je suis arrivé chez Jean. Il s’occupa de me donner un bain, du moins, il me montra comment faire et me laissa me débrouiller seul. Il me coupa les cheveux. Je le voyais souvent écrire dans un carnet, je ne savais ce qu’il contenait.
Lorsqu’il me parlait, il avait ce ton un peu grincheux, mais je voyais que je l’intriguais. J’espérais qu’il ne serait pas de ceux qui allaient profiter de ma physionomie étrange. Je n’avais développé mes capacités de communication, mais je comprenais quand il me parlait. Je comprenais les mots, mais je savais que ce n’était pas la même langue que mon père. Les sonorités étaient plus douces que la langue rudimentaire du Nord. Jean remarqua assez rapidement mes problèmes de déplacement. Je me déplaçais à quatre pattes la plupart du temps et lorsqu’il essayait de me redresser, je n’arrivais pas à seulement me tenir debout.
Jean était intelligent et un peu bricoleur sur les bords. Il essaya plusieurs prototypes. Il cherchait un moyen pour que je puisse me déplacer debout sans avoir à m’accrocher aux murs. Mes griffes avaient déjà fait beaucoup de dommages à ses murs. Pourtant, il m’arrivait de me déplacer debout sans m’en rendre compte.
C’est arrivé un jour. J’étais chez Jean depuis quelques mois déjà et c’était tôt le matin. Habituellement, mes habitudes de félins prenaient le dessus et je faisais la grâce matinée. Mais ce matin-là, j’étais réveillé. Pas tout à fait, je vivais un rêve éveillé, ce que je voyais n’était pas la réalité. Contrairement à moi, Jean est un lève-tôt et lorsqu’il a entendu du bruit à l’étage, il se demandait ce que je pouvais bien faire. Lorsqu’il est monté, il m’a vu debout sur le bord de la fenêtre. Dans mon rêve, je me voyais en train de voler au-dessus de la forêt. Heureusement, Jean a eu de bons réflexes et il a réussi à m’attraper juste au moment où je sautais. Le réveil fut brutal, puisque je me cognai le front sur le mur en-dessous de la fenêtre.
Du sang me coula sur le visage et Jean dut me remonter à bout de bras. Il me tenait contre lui et à l’expression de son visage, je compris mon erreur. Nous avions eu peur tous les deux, lui probablement plus que moi. Sans réfléchir, j’ai baissé la tête et j’ai senti la main de Jean sur ma tête. Ce n’était pas la même sensation que lorsque mon père me prenait la tête, sa main à l’elfe était douce. Je compris à ce moment que je ne devais pas avoir peur de cet homme, il voulait mon bien, il voulait m’aider.
-J’sais pas si tu m’comprends ou même si t’sais parler, mais je crois que t’dvrais savoir le mot magique.
Je le regardai un instant. Je savais très bien ce qu’il voulait dire. C’est alors que je tentai maladroitement d’exprimer les premières sonorités depuis des mois.
-M-mer….chiiii
Je vis un sourire au visage du vieil elfe qui me prit sur son dos. Je me mis à ronronner, réflexe félin. Maintenant que je savais que je pouvais lui faire confiance, la communication sera plus facile avec Jean. Il m’avait sauvé la vie, ce que personne n’avait encore fait pour moi. J’avais toujours compté que sur moi-même. L’idée d’avoir quelqu’un sur qui compter était agréable.
Mon adolescence se déroula sans anicroches. Jean m’avait interdit d’aller au-delà de la forêt. Il disait que c’était dangereux et qu’il y avait de vilaines créatures là-bas. Je l’aidais avec les différentes tâches physiques autour de la maison. Il avait mis du temps avant d’accepter mon aide, le vieil elfe n’aimait pas affirmer sa faiblesse. Il finit par accepter en disant qu’il était rendu trop vieux pour ces conneries.
Il me prit l’idée d’y aller de l’autre côté de la forêt. Jean m’a toujours dit que la curiosité est un bien vilain défaut. Malheureusement, j’en débordais de cette curiosité. Je fus surpris de découvrir une cité d’elfes et d’humains dehors de la forêt. Je m’aventurai dans la cité et je vis d’autres adolescents. Je tentai une approche vers eux et je découvris pourquoi Jean parlait de créatures mauvaises. Il méprisait lui-même sa propre race, probablement parce que lui-même leur ressemblait beaucoup plus qu’il ne voulait le voir. Alors que je les approchais avec de bonnes intentions, ils me jetèrent des pierres et me lancèrent toutes les insultes qui leur passaient par la tête. Heureusement, mes réflexes de félin sont toujours très présents et je pris mes jambes à mon cou. Je retournai chez Jean la peur au ventre.
La vie dans la forêt m’avait fait oublier à quel point les humains pouvaient être méchants avec ceux qui étaient différents d’eux. Les souvenirs douloureux de mon père biologique refirent surface. Les larmes aux yeux, j’allai me réfugier dans la grange. Les animaux n’aimaient pas trop ma présence puisque pour eux, je suis un prédateur. Pourtant, leur présence autour de moi me calmait. Je me mis à réfléchir, sur ma vie, sur moi-même. Je voulais être utile à la société, j’étais encore jeune n’étant qu’un adolescent, je voulais faire quelque chose de moi-même. Je ne pourrai pas rester encore longtemps avec Jean, je le connaissais assez maintenant pour savoir qu’il allait vouloir couler ses derniers jours paisibles. J’allais faire mon possible pour qu’il puisse avoir une retraite tranquille. Au bout de cette longue réflexion, je m’étais décidé sur ce que j’allais faire de ma vie. Mon physique me permettait de faire des tâches physiques plus grandes qu’un humain. J’étais fort comme un lion, c’était bien le cas de le dire. Je devais faire quelque chose qui allait me permettre de voyager. J’ignorais si j’étais seul ou s’il existait d’autres tigrélions. Je voulais le découvrir à tous prix.
Le plus difficile c’était de faire avaler ma décision à Jean. Le bougre s’était attaché à moi autant que je m’étais attaché à lui. Il ne voulait pas l’avouer, mais je le voyais bien dans ses sourires discrets qu’il a lorsqu’il me regarde. Il croit que je ne le vois pas, mais il n’est pas encore assez discret pour mes instincts de félin, je le sais quand on m’observe. J’entrai dans la maison, presque aussi vieille que son occupant qui l’avait construite. J’allai m’asseoir avec le vieil elfe qui se berçait tranquillement en tirant quelques bouffées de sa pipe. Je ne savais pas comment aborder le sujet. Jean dut ressentir le malaise qui m’envahissait, car il engagea lui-même la conversation. Il se redressa un peu dans sa chaise berçante et me regarda paisiblement :
-Tu as quelque chose à m’dire?
-Je vais bientôt partir Jean… Je vais t’aider à faire les préparations pour les prochains hivers, mais je sais pas quand je reviendrai.
Après un long soupire, Jean me regarda franchement cette fois.
-Tu comptes faire quoi p’tit? Si tu crois que j’sais pas ce que t’as fait c’taprès-midi. La dehors, c’est des monstres et c’est toi qu’ils vont traiter d’monstres!
-Je sais, je ferai mon possible pour cacher mon appartenance à une autre race. Je compte aller là où ta race n’a pas d’importance.
-Ça existe pas c’t’endroit la!
-Je vais intégrer l’Armée du Roi.
-Tu vas quoi?!?
-Je pars pour l’armée, je peux facilement cacher mes particularités de félins, mis à part mes yeux et mes crocs, mais sinon je peux aisément passer pour un humain plus musclé que la normale. Je veux faire quelque chose Jean, je veux découvrir le monde, découvrir si je suis seul.
L’exaspération se fit sentir dans le nouveau soupir de mon ainé. Je savais que ce n’était pas dirigé contre moi, mais plutôt contre lui-même. Comme il aurait aimé me protéger toute ma vie du monde extérieur, mais pour m’en protéger, il fallait d’abord que je le connaisse. Je me levai, il n’y avait plus rien à ajouter et Jean devait vouloir rester seul pour réfléchir. Je me rendis dans ma chambre et je m’endormis comme un loir, la journée avait été éprouvante.
Des mois passèrent et l’hiver était à nos portes. J’avais fini de préparer mes affaires pour mon départ. Le vieil elfe était contre la porte et me regardais faire. Il avait fini par me pardonner mon départ et il m’appuyait maintenant dans ma décision. Mes bagages étaient faits, mais avant d’aller à l’armée, je devais me rendre à un endroit avant. Là où ma vie avait commencé, la maison d’Yngvarr. Je montai sur le cheval et Jean me rejoignit.
-Prêt?
-C’est à toi que je devrais demander ça, tu vas t’ennuyer sans moi.
-Aucune chance! M’a enfin pouvoir être tranquille! Sans toi constamment dans mes pattes!
-C’est ce que je disais, tu vas t’ennuyer.
-Tu vas r’v’nir me voir hein?
-Je sais pas quand, mais c’est sûr. Essaie de ne pas mourir avant.
-J’vais t’attende. C’est pas quelques années de plus qui vont v’nir à bout de moi!
-C’est ça, à la prochaine alors.
-À prochaine p’tit!
Je lançai mon destrier au galop et là commença la vie mouvementée du tigrélion le plus fidèle à la lignée des Thulorem, en commençant avec le premier roi.
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